Bougna, maman d’Issa, très caractérielle et un tantinet égoïste, est dans une compétition constante avec la première épouse de son mari dont les fils semblent avoir un avenir radieux. C’est dans ce sens qu’elle proposera à son fils d’émigrer clandestinement pour l’Espagne afin de laver son honneur. Pour se donner bonne conscience, elle convint Arame d’y envoyer son fils aussi : « …parce qu’une autre mère était prête, comme elle à envoyer son fils aux galères, Bougna se libéra de l’image de mère cruelle qui la tourmentait. »
Coumba, épouse d’Issa, très amoureuse de ce dernier, et mère de son premier fils, reste l’attendre chez sa belle-mère comme la coutume l’exige. Endurante, elle se donnait sans rechigner aux taches qu’incombait son rôle de belle-fille car c’est alors là le baromètre de la qualité d’une femme. L’auteure nous fait vivre les souffrances de Coumba, ces peines dont elle n’avait pas le droit de se plaindre parce qu’on l’aurait alors traité de capricieuse, elle souffrait en silence, en attendant.
Daba la belle, épouse de Lamine, ne subira pas les affres de la belle-famille parce que très aimée de sa belle-mère.
Le village dans lequel elles vivent toutes est décrit de telle sorte qu’on a l’impression d’y vivre aussi et de partager la vie de chaque habitant entre souffrances, joies, peines, commérages, mesquineries, solidarité, mal-être, secrets de familles …
L’auteure ne se limite pas qu’au village de Niodior, mais elle nous partage aussi les difficultés de la cité capitale (Dakar), plus loin, elle nous fait connaitre le quotidien des immigrés clandestins en Europe, les vices auxquels ils sont obligés de se plier pour survivre , les transformations qu’ils vivent et même leur retour tant attendu…
Dans cette œuvre magnifique aux tons poétiques et quelques fois dénonciateurs et revendicateurs, Fatou Diome décrit la misère matérielle, la misère mentale et leurs conséquences ; elle dénonce l’analphabétisme, la polygamie et ses méfaits, la dureté des coutumes, les mariages forcés, les droits de la femme bafoués…etc.
Mais ce qu’il y a de plus beau, oui ce qu’il y a de plus beau est que cette œuvre se termine sur une note de pardon et d’espoir… espoir d’une jeunesse qui comprend que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, espoir d’une meilleure Afrique.